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L’heure d’été des lève-tard

Je m’interroge depuis des années sur l’utilité de l’heure d’été. Non pas en ce sens qu’il faille l’abolir, mais plutôt changer son ’sens’.

Je vais donc soumettre une théorie très simple basée sur mon expérience personnelle.
Le domaine potentiel d’application de ma théorie est typiquement les régions à "lève-tard / couche-tard". Bien que je sois par définition un cas isolé, je pense que mon rythme de vie correspond à un modèle plus ou moins représentatif des cultures latines.
Ainsi, un ensemble plus grand qu’une simple frange marginale de la population des pays qui ont adopté l’heure d’été à ce jour pourra s’y reconnaître.
L'heure d'été a été instituée en France en 1975 suite au choc pétrolier de 1974
avec l'objectif d'effectuer des économies d'énergie en réduisant les besoins d'éclairage notamment en soirée.
Ma première réaction est : "Tiens, ça tombe bien, puisque nous mettons en ce début de XXIème sièce les pieds dans le plat d’un nouveau choc pétrolier, c’est donc l’heure des interrogations, et des bilans (énergétiques ?) des solutions du passé, pour ne pas dire surannées."

Je suis d’accord qu’il est bon d’économiser l’énergie destinée à l’éclairage, mais elle est maintenant bien loin de représenter l’essentiel des consommations énergétiques liées à l’électricité, et encore plus loin dans le bouquet global. L'éclairage représente 14% de la consommation d'électricité dans un foyer français, soit 3% des dépenses énergétiques global du même foyer. "Faîtes le bilan énergétique", pour reprendre une expression de mon professeur de Physique de Prépa, et plus contemporainement du Grenelle Environnement, calculez la consommation du chauffage de l’air et de l’eau, de la climatisation, et de la télévision (au minimum, mais ajoutez la machine à laver aussi), la pauvre lampe (bientôt en basse consommation) aura bien piètre allure. Donc, déjà, et très précocément, un argument qui avait peut-être du poids en 1974 est à revoir.

Bref, pour mieux m’opposer au raisonnement, je le suis (de suivre…) Donc, que dit-il ? Adapter les activités humaines aux heures d’ensoleillement ? Alors allons-y ! Je suis d’accord, économiser l’éclairage, c’est se servir de la lumière naturelle autant que possible. Pour l’exemple, qui s’applique aussi en France, j’habitais à Adelaide en Australie, et à l’époque où j’ai écris la première version de cette article, je venais de passer à l’heure d’hiver. Eh bien quand alors que je terminais ma journée, j’allumais désormais maintenant ma lampe de bureau une heure plus tôt, et bientôt encore plus tôt puisque de manière naturelle, les journées racourcissent. Où est l’économie ici ?

De la même façon, le matin, rien ne changeait, il faisait déjà jour lorsque je commençais ma journée, et bien il faisait toujours jour avec l’heure d’hiver, et je ne l’allumais toujours pas, donc status quo ici.

Enfin, je rentrais à la maison, il faisait noir, et donc j’allumais dans toutes les pièces où je passais.

Ah ? J’ai rien compris ? C’est pas en hiver qu’on fait l’économie mais en été ?
Bon, ça commence mal, car si l’on fait des économies en été que l’on perd en hiver, il faut seulement commencer à voir si l’une contrebalance l’autre ou pas…
Egalement, comme c’est l’hiver que l’on consomme le plus d’énergie, je me disais que c’était peut-être là qu’il fallait placer le curseur. Enfin, bref. Continuons.

Bon, maintenant, en été :
de manière naturelle le soleil se couche tard. J’ai donc déjà du jour gratuitement. En plus, puisqu’on avance d’une heure, il fait encore plus jour ! Alors que justement j’en avais le moins besoin, puisque j’avais déjà du jour gratuitement.
Résultat : je n’allumerais déjà pas avec une heure de moins, et bien je n’allumerais toujours pas avec une heure de plus, c’est donc du gâchis.

Par ailleurs, en été nous1 avons tendance à vivre plus tard, car on se dit qu’il fait ’encore jour’, donc ’on a le temps’. Pour un peu que les journées furent chaudes (à Adelaide c’était vraiment chaud en tout cas), on profite du salon de jardin car il fait un peu plus frais le soir. Au bout du compte, on ira quand même au lit plus tard, au coucher du soleil, donc on aura besoin d’éclairage le soir quand on rentre du jardin ou du barbecue chez les amis.
La théorie qui consistait à dire que l’on se coucherait plus tôt et qu’il ferait encore jour dehors, d’où l’économie, je n’Y CROIS PAS. Je ne connais personne qui va au lit quand il fait encore jour dehors ! Je ne dis pas que ça n’existe pas, mais je n’en ai jamais vu (même mes parents attendent la nuit, c’est pour dire !!). Et vous ?

Enfin, 4ième et dernier cas :
l’été le matin. Eh bien là encore, pas de changement. Il faisait déjà jour, il fait encore jour avec l’heure d’été, R.A.S.

Conclusion : l’heure d’été ne me fait rien gagner en été, et me fait allumer la lumière plus tôt en hiver : où est l’économie là-dedans ?
En plus, puisqu’il fait nuit plus tôt, on se justifie d’autant plus à mettre le chauffage plus tôt, pour créer son petit cocon.
Non seulement je trouve que le système courant est à contrepied du besoin, mais en plus je propose le système inverse !

Ma theorie dicte d’être à GMT+2 en été, et GMT+3 en hiver, du jamais entendu ! C’est de l’hérésie ! Imaginez plutôt.

Le soleil se lèverait vers 10 h en hiver, ce qui ne changerait pas grand chose puisqu’on1 vit moins le matin que le soir, économiquement comme personnellement à la maison, c’est comme çà, c’est la vie moderne…
Au travail, comme à la maison on éclaire de toute façon, car l’heure n’est pas le souci : en hiver le temps est cradoc, le ciel bouché, et au mieux le soleil est bas et n’éclaire pas des masses, donc de toute façon on met la lumière au travail pour voir ce qu’on l’on fait, où on perce le trou, où on pose le plombage, pareil à la maison.
En plus, bonus : le soleil se coucherait vers 20 h ! Donc on n’allumerait pas la lumière tôt en hiver.
En été maintenant, puisqu’on a déjà de la lumière naturellement tôt et tardivement, eh bien : le matin, GMT+2 ne changerait rien, et GMT+2 le soir “suffirait” (pourquoi plus, le soleil se coucherait déjà à 21/22 h…).

En plus, en bonus, toute l’année, il ferait jour le soir sur la route, pour rentrer du travail ou aller en week-end, donc réduction prévisible des risques d’accidents liés aux moments de pénombre (quelle part ?)…
Oui mais le matin ? Noir ? Bonne remarque, la théorie dit alors que l’on fait beaucoup plus de kilomètres de nuit le soir que le matin, ce dernier étant surtout reservé à aller au travail, déposer les enfants, mais pas à consommer ou à socialiser. Et le soir, la fatigue et le stress de la journée n’aidant pas, les conditions s’empirent. D’autant plus que l’on est pressé de rentrer à la maison.

C’est formidable, la théorie contenterait alors 2 ministères au lieu d’un. Ca c’est trop fort !

En ce qui concerne les entreprises, magasins et administrations, publiques comme privées; pas de modification d’habitude à prévoir. L’éclairage y est omniprésent toute la journée, donc pas vraiment d’impact dans un cas comme dans l’autre.

Voilà, le contexte de l’éclairage est traité. En ce qui concerne le poste de dépense du chauffage, argument que j’entends parfois, le chauffage électrique (ou climatisation en été) est très gourmand. Pompe à chaleur ou effet Joule, la thermodynamique a toujours raison de nous et ces appareils bouffent des kWh. Comme je ne vois pas en quoi l’heure aurait une influence sur la température extérieure, ni sur le besoin de se réchauffer ou de se refroidir de l’humain, qu’il soit au travail, dans les magasins, ou à la maison, je ne vois pas d’impact non plus, dans un cas comme dans l’autre.
Je pense que le bilan chauffageest globalement constant.

Maintenant, c’est votre tour : démontrez que ma théorie est absurde, ou bien adoptez-la ! Militez pour que l’heure d’hiver se déplace encore plus loin que l’heure d’été, elle mérite plus que d’être l’heure des taies !

Références
1 Les pronoms personnels nous et on auxquels cette note se réfère indiquent une réduction ethnocentrique arbitraire. Je considère par hypothèse que la majorité des citoyens du pays candidat à cette théorie vivent avec mes habitudes. Evidemment cette hypothèse est sujette à caution, et c’est sur elle que des études statistiques plus complètes devraient être établies et lues. Quoiqu’il en soit, je pense qu’au premier degré d’approximation, les pays à culture arabe et latine dominantes, "lève-tard / couche-tard", sont des bonnes candidates.
A contrario, je pense que les régions où les gens du type“Queensland”, où la répartition des activités diurnes et telle que les familles se lèvent très tôt (5 h du matin voire plus tôt) ne sont pas des candidates de choix pour ce modèle, ça tombe bien, ni le Queensland ni l’Australie Occidentale n’ont adapté l’heure d’été version 1, donc rejeteraient a fortiori la v2.
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créé le 02 avril 2006
révisé le 14 février 2017 par
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